09 septembre 2013

MOTS À MAUX

Voici mes mots de la semaine. En fait, il s'agit d'un poème que j’avais commencé à écrire il y a déjà quelques semaines. Voulant me rappeler pourquoi j’aime autant mon père, ainsi que mon incompréhension face à cette maladie qui l’afflige, l’Alzheimer. Je l’ai visité à nouveau la semaine dernière. La maladie a progressé à un point tel et il ne lui reste pratiquement aucune autonomie, que celle de respirer et de parvenir a avaler ce qu’on lui donne à manger, liquide ou en puré. Ça m’a permis de terminer ce poème et faire la paix avec cette maladie. Elle a eu raison de mon père, mais pas du souvenir que j’ai de nous.



COMME SI T’ÉTAIS DÉJÀ PLUS LÀ

Tu n’es déjà plus là
Je devrais me faire une raison
Pourtant je n’y parviens pas
J’ai pour toi tant de questions

Ton vieux corps dans ce lit tout frais de draps blancs
Comme poupée de chiffon, dors bien petit enfant
Ou sagement assis dans cette berceuse, attaché pour te protéger
J’ai peine à m’imaginer qu’il n’y a plus rien à partager

De ces matins, si tôt que le soleil se levait à peine
Sur le banc de la balançoire, au plein cœur de la semaine
Je te sortais de tes songes pour te demander tant de pourquoi
Malgré ton sourire, en chacune de tes réponses j’avais foi

De ses innombrables heures passées à la patinoire du quartier
À arroser la surface, gratter la neige et recommencer à jouer
Pour les trois petits, c’était le bonheur, notre moment privilégié
De novembre à février, fins de semaine, matinée jusqu’au souper

Le samedi soir ou le dimanche après-midi, devant la télévision
Ces prises de bec dans la cuisine, mes frères et moi avions
Pour savoir qui aurait la chance de prendre place sur les genoux de mon père
Afin d’écouter le match du canadien ou la lutte en criant nos commentaires

De La Tuque, ce coin de pays que tu aimais tant nous raconter
De l’arrivée de ta famille lorsque les portes de Val-Jalbert ont fermées
À son barrage, l’usine de papier et les 24 heures où les athlètes sans relâche nageaient
Et de ses heures passées au chalet à pêcher le doré dans la petite Bostonnais

Comme je me souviens de ses longues marches pour traverser les rails
Nus pieds, habillé que d’un maillot de bain et d’une serviette
Nous nous rendions à la piscine en jacassant, les cheveux en bataille
Où tu nous apprenais à nager et sous le chaud soleil faire bronzette

De cette façon que tu avais d’être un grand-père avec Maxime et Vicky
M’a guidé lorsqu’à mon tour, j’ai eu ce plaisir d’être entouré de mes tout petits
Ce regard tendre que tu avais pour les enfants te permettait de les charmer
Tu savais leur parler, et en les prenant dans tes bras, les autoriser à se confier

Tu n’étais pas très jaseur, ni coléreux, démonstratif ou trop pieux
Mais ton calme dans chacun de tes gestes, imposait la paix et nous rendait heureux
Et avec cette sagesse qui nous mettait en confiance et ce sourire au coin des yeux
Tu as imposé en silence un chemin de vie sans fanfare, honnête et doucereux

Tu n’es déjà plus là, je crois
Je me rends lentement à cette raison
Pourtant j’ai encore plein de questions
Et je continuerai à marcher dans tes pas

Je t’ai rendu visite,
Tu dormais.
Je suis resté un peu à l’écart,
En espérant que tu ne te réveilles.

Peur de ne pas comprendre ton regard.
Peur de ne pas savoir quoi dire,
Que tu ne comprennes pas ce que je te dis.
Peur de voir que tu ne m’as pas reconnu.

Je t’ai regardé,
Comme je t’admirais autrefois,
Et c’est ce souvenir de toi que je conserverai
Au fond de ma mémoire,
Tant que j’en aurai une.

Je t’aime toujours autant,
Ça fait juste un peu plus mal présentement

En image, photo de fin de journée, à la brunante, à St-Michel-de-Bellechasse:






 

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